Au chevet de l’hôpital : soigner l’absentéisme
15 milliards d’euros.
C’est le coût direct estimé de l’absentéisme dans la fonction publique hospitalière, selon un rapport rendu conjointement par l’Inspection générale des finances (IGF) et l’Inspection générale des affaires (IGAS). L’absentéisme est en effet particulièrement notable à l’hôpital, à 9,9% en 2023, soit 1,2 point de plus que le niveau moyen du Secteur Public (source : 16ème Baromètre de l’Absentéisme et de l’Engagement, Edition 2024, Ayming). Ce niveau inquiétant met sous tension un système déjà fragilisé.
Quelles pistes pour endiguer ce phénomène et agir efficacement contre l’absentéisme à l’hôpital ?
Comprendre l’absentéisme à l’hôpital : le symptôme d’un dysfonctionnement systémique
L’absentéisme croissant dans les hôpitaux publics n’est pas une question individuelle, mais le révélateur de tensions structurelles. L’obligation de continuité des soins, conjuguée à des moyens financiers limités et à une gestion rigide des effectifs, réduit la capacité d’adaptation des équipes. Cette contrainte alimente un sentiment d’injustice : charge de travail inégale, décisions perçues comme opaques, manque de reconnaissance… Cela fragilise l’engagement et provoque l’usure.
Face à ce malaise collectif, les retraits individuels, mentaux ou physiques, se multiplient. L’absentéisme en est le symptôme visible. Pour y répondre, il faut inverser la logique : partir du terrain, comprendre les contextes spécifiques. Sans doute plus important encore, il faut co-construire avec les équipes des solutions qui restaurent l’équité et la reconnaissance, tant dans les faits que dans leur perception.
Avant d’agir, encore faut-il objectiver le problème. Passer du constat à la mesure permet de sortir du ressenti et d’orienter l’action. Des indicateurs existent, notamment ceux du projet PHARES. Ils peuvent aider à avancer dans la démarche, et à se poser des questions clés. Quelle est l’ampleur réelle de l’absentéisme dans mon établissement ? Quels services sont les plus touchés ? Une comparaison entre établissements au sein d’un même GHT peut également révéler des écarts utiles à analyser. Les Directions des Ressources Humaines peuvent, enfin, s’appuyer sur le guide de l’ANACT pour évaluer le coût des perturbations liées aux absences.
Il ne s’agit pas d’accumuler les chiffres, mais de constituer une base objective, pour prioriser les actions et enclencher une dynamique de transformation collective.
Favoriser l’engagement tant individuel que collectif
Pour maintenir l’engagement, il est primordial de ne pas individualiser les absences. Pour cela, le management de proximité joue un rôle clé, puisque le manager peut identifier finement les ressentis et les réalités de chacun pour agir de manière adaptée. L’enjeu concerne surtout les agents non-absents, pour lesquels il est essentiel d’éviter la surcharge et le cercle vicieux qui pourrait s’en suivre.
Il est également essentiel d’autonomiser les équipes. Par exemple, donner le leadership aux équipes pour l’organisation d’ateliers de réflexion peut être pertinent. Cela peut amener les collaborateurs à exprimer leurs ressentis et à coconstruire des solutions qui leurs sont propres face à des problèmes qui les concernent tous. Bien que la gestion des absences soit centralisée, les solutions doivent être adaptées localement car chaque équipe a sa propre culture. La création d’espaces de dialogue permettant de construire des solutions sur mesure est une approche efficace.
Enfin, les sentiments d’attachement et de désir sont des moteurs de l’engagement et participent de ce fait à réduire l’absentéisme. Ils passent bien sûr par le développement des compétences et des parcours professionnels lisibles. Mais d’autres facteurs les favorisent, comme une culture de l’engagement et une communication ouverte. Elles doivent en effet aider l’agent à se projeter au sein de l’établissement.
Prévenir, prévenir, prévenir
Le principe est d’agir en amont de tout signal d’alerte pour prévenir les absences de demain et ainsi éviter l’effet boule de neige au sein des équipes. Trois piliers d’actions permettent d’aller en ce sens :
Premièrement, la reconnaissance : valoriser les actions de chacun par des marques concrètes qui vont au-delà des revalorisations ou des primes introduites par le Ségur de la Santé. Cela inclut des gestes symboliques tels que les remerciements publics ou la célébration des réussites collectives.
Deuxièmement, les conditions de travail : moderniser les infrastructures et porter attention au parcours du salarié tout au long de sa journée de travail sont des éléments constitutifs d’un environnement sain et motivant.
Troisièmement, la justice organisationnelle : œuvrer pour plus d’équité, de transparence et de participation des salariés dans la répartition des charges et dans les prises de décision.
Enfin, l’accompagnement : prévenir l’épuisement avec des dispositifs de soutien psychologique, des programmes de prévention des risques psychosociaux et des cellules d’écoute.
L’absentéisme n’est pas une fatalité
La réduction de l’absentéisme ne se limite pas à des ajustements ponctuels. Elle nécessite une transformation organisationnelle et managériale. Pour cela, des actions fortes sont à mener : compréhension fine du phénomène, monitoring, prévention, mobilisation à l’échelle de l’équipe, renforcement de l’engagement. Une fois activés, ces leviers enclenchent un cercle vertueux et permettent non seulement d’agir sur l’absentéisme mais aussi d’améliorer l’attractivité de l’hôpital.