Baromètre Orientation Client 2025 – Julhiet Sterwen et IFOP | Managers : les enfants gâtés de l’orientation client ?
L’orientation client progresse dans les entreprises françaises, mais à deux vitesses : 72 % des managers estiment leur organisation orientée client, contre seulement 57 % des collaborateurs.
Alors que la qualité de l’expérience client se dégrade dans le monde pour la troisième année consécutive, les entreprises françaises poursuivent leurs efforts pour placer le client au centre. Le Baromètre Orientation Client 2025, mené par Julhiet Sterwen et l’IFOP auprès de 800 collaborateurs et managers d’entreprises de plus de 1 000 salariés, met en lumière une réalité contrastée : l’orientation client progresse, mais lentement et de manière inégale. Les managers apparaissent comme les premiers bénéficiaires des politiques d’accompagnement, tandis que les collaborateurs peinent encore à être pleinement embarqués dans cette dynamique.
Orientation client : une progression inégale et encore élitiste
En cinq ans, la diffusion de la culture client s’est renforcée : 67% des salariés déclarent entendre parler d’orientation client (+8 points depuis 2019). Mais seuls 57% estiment que leur organisation est réellement orientée client. Chez les managers, cette proportion atteint 72%, traduisant un écart de 15 points avec les collaborateurs.
Ces données confirment la montée en puissance du sujet, mais aussi son caractère encore sélectif. La culture client s’impose dans les discours stratégiques, sans toujours se traduire dans les pratiques quotidiennes, notamment au niveau opérationnel.
« Les managers sont aujourd’hui les “enfants gâtés” de l’orientation client. Formés, accompagnés, valorisés, ils bénéficient d’une véritable stratégie d’acculturation. Les collaborateurs, eux, restent trop souvent à la marge », souligne Laetitia Poëta, Directrice Expertise Centricité Client chez Julhiet Sterwen.
Accompagnement et formation : une dynamique concentrée sur les managers
Les chiffres confirment le déséquilibre : 85% des managers se disent satisfaits de l’accompagnement reçu, contre seulement 36% des collaborateurs. Les actions de formation, de communication interne ou d’échanges inter-équipes profitent principalement aux encadrants, renforçant l’écart entre intention et réalité vécue sur le terrain.
Cette différence d’accès aux dispositifs se reflète dans la perception de l’impact personnel sur la satisfaction client. Ainsi, 22% des collaborateurs déclarent ne pas percevoir leur contribution à la satisfaction client, contre 40% des managers. L’écart est particulièrement marqué chez ceux qui ne sont pas en contact direct avec les clients. La moitié d’entre eux ne perçoivent pas leur impact.
« L’enjeu est désormais d’étendre la culture client à l’ensemble des fonctions, y compris celles éloignées du terrain, pour que chacun puisse se sentir acteur de la satisfaction client », commente Isabelle Dumoulin, Directrice Expertise L&D et CX chez Julhiet Sterwen.
L’intelligence artificielle : accélérateur d’orientation client ou nouveau clivage ?
L’édition 2025 du Baromètre montre une accélération nette de l’adoption de l’intelligence artificielle, avec 30% des répondants déclarant l’utiliser dans leur activité, contre 12% en 2024. Mais là encore, la fracture managériale se creuse : 85% des managers déclarent utiliser ou se sentir prêts à utiliser l’IA, contre 43% seulement des collaborateurs, signe d’une appropriation encore très inégale.
L’IA séduit par ses promesses, les encadrants y voient un levier pour personnaliser l’expérience client, fluidifier les interactions et gagner en efficacité. Mais son appropriation reste largement concentrée au niveau managérial. Pour les collaborateurs, la méconnaissance des outils et le manque de formation freinent encore leur capacité à s’en emparer dans leur quotidien professionnel.
« L’IA doit devenir un levier collectif d’empowerment, pas un outil réservé à quelques-uns. Elle doit permettre de libérer du temps et de valoriser le lien humain dans la relation client », rappelle Isabelle Dumoulin.
Pourtant, le potentiel de l’IA fait largement consensus : 75% des répondants estiment qu’elle permet d’automatiser certaines tâches, 73% qu’elle favorise la personnalisation de l’expérience client, 60% qu’elle améliore la gestion de la relation, 58% qu’elle facilite l’analyse des données et 55% qu’elle aide à prédire les comportements des clients.
Les jeunes générations, catalyseurs d’un changement de culture
Le Baromètre révèle également un écart générationnel marqué dans l’appropriation des outils et des usages liés à l’IA. 80% des moins de 35 ans déclarent utiliser l’IA ou se sentir prêts à le faire, un taux bien supérieur à la moyenne des collaborateurs. Ces profils plus jeunes se distinguent par une meilleure compréhension des bénéfices de l’IA et une plus grande aisance dans son intégration au quotidien. Ils perçoivent l’intelligence artificielle comme un levier d’efficacité et de qualité relationnelle, capable d’améliorer la personnalisation, l’analyse des données et la réactivité dans la relation client.
Cette posture plus ouverte et expérimentale traduit un changement culturel profond : l’IA n’est plus perçue comme un outil technologique réservé à quelques experts, mais comme un facteur d’enrichissement de la relation client.
« Les plus jeunes, comme les managers, voient dans l’IA un levier de personnalisation et de fluidité. Ce double mouvement pourrait accélérer la diffusion d’une orientation client réellement partagée », analyse Laetitia Poëta.
Vers une orientation client décloisonnée et inclusive
Les enseignements du Baromètre 2025 confirment une évolution en profondeur. L’orientation client ne peut plus être portée uniquement par les managers ou par les équipes directement en contact avec le public. La transformation réussira si l’ensemble des collaborateurs, quelle que soit leur fonction, est embarqué dans cette dynamique.
Pour Julhiet Sterwen, la priorité est désormais de réconcilier intelligence artificielle et intelligence relationnelle, en faisant coexister automatisation des tâches et valorisation du lien humain dans la relation client. L’enjeu est aussi de faire de l’IA un levier d’appropriation collective, pour permettre à chacun de gagner en autonomie, de mieux comprendre les attentes clients et de renforcer la personnalisation de l’expérience. Enfin, il s’agit de décloisonner la culture client, en diffusant les postures et les compétences associées à tous les niveaux de l’organisation, au-delà des métiers en contact direct avec le client final.
« La réussite de l’orientation client dépendra de la capacité des entreprises à impliquer chacun dans la transformation. Manager ou collaborateur, chacun doit devenir acteur d’une expérience client partagée et incarnée », conclut Laetitia Poëta.