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Intelligence artificielle

Promesses, espoirs et probables déceptions de l’Intelligence Artificielle dans le secteur des services financiers

La victoire de l’intelligence artificielle, avec AlphaGo, en mars 2016, contre Lee Sedol, n°1 mondial du jeu de Go, a mis un coup de projecteur sur l’une des avancées technologiques les plus structurantes des vingt prochaines années, l’apprentissage profond ou Deep Learning (DL).

Quelles en seront les conséquences dans le secteur des services financiers à horizon 5  ou 15 ans ?
Nous vous proposons quelques éléments de réflexion pour initier un nécessaire dialogue dans votre entreprise et un chemin d’appropriation de cette nouvelle technologie.

Conviction n° 1 : le « buzz » médiatique autour de l’Intelligence Artificielle est porteur de promesses qui ne seront pas tenues à court-terme si on les imagine à la hauteur des prouesses réalisées par AlphaGo

L’IA désigne des programmes avec un éventail très large quant à leur degré de sophistication et leur ambition. On peut ainsi schématiquement distinguer d’une part l’IA dite « faible » et d’autre part l’IA dite « forte ». L’IA faible n’a pas pour but de copier l’intelligence et le raisonnement humain mais simplement de l’imiter et d’en reproduire le plus fidèlement possible le comportement. L’IA forte, en revanche, a pour ambition non seulement de produire un comportement intelligent mais d’en imiter le fonctionnement.  L’IA combine plusieurs technologies innovantes, parmi lesquelles on distingue d’une part les systèmes experts,  et d’autre part les systèmes « auto apprenant », dont le ML (Machine Learning). Schématiquement, plus l’IA intègre de ML, plus elle peut être qualifiée d’IA forte. Les programmes reposant sur le ML s’adaptent et s’améliorent au fil du temps lorsqu’ils sont alimentés avec de nouvelles données. Le DL est une évolution du ML, désignant des méthodes d’apprentissage automatique tentant de modéliser avec un haut niveau d’abstraction des données grâce à des architectures articulées de différentes transformations non linéaires.

Le DL peut être caractérisé, de façon caricaturale, par le fait qu’un homme ne sait plus expliquer les choix réalisés par ce type d’IA.

Ainsi, si le succès d’AlphaGo s’appuie sur le DL, la majorité des applications de l’IA sont portées aujourd’hui par des technologies d’IA faible ; en conséquence les promesses des médias pourraient ne pas être tenues dans les délais annoncés.

Conviction n° 2 : Le constat précédent ne doit en aucun cas restreindre l’intérêt pour toutes les technologies qui s’inscrivent dans la « mouvance » de l’IA

Les applications potentielles de l’IA pour les banques et les compagnies d’assurances sont nombreuses : programmes conversationnels ou ChatBots, conformité réglementaire, détection de la fraude, analyse du comportement des clients ou encore prédiction des tendances du marché.

L’essor des ChatBots répond ainsi à l’augmentation croissante des contacts clients par courriel. Cette tendance impacte déjà de façon lourde les conseillers des agences, parfois aux dépens de leur temps « commercial ». Certaines technologies de l’IA permettent, sans intervention humaine, de comprendre les demandes écrites et de répondre aux plus courantes d’entre elles – et ce de façon transparente pour les clients.

Un deuxième exemple nous est fourni par les scripts commerciaux « intelligents » que peut créer l’IA en s’adaptant aux données connues sur les clients afin de personnaliser les dialogues et améliorer la performance commerciale des appels sortants.

Les technologies de l’IA sous-jacentes à ces deux cas d’utilisation existent et sont opérationnelles. Elles ne font pas appel à des approches de modélisation poussées comme celles sur lesquelles s’appuie le DL. Elles apporteront néanmoins pourtant sans nul doute une évolution forte de l’expérience client dans le secteur des services financiers.

Conviction n° 3 : Certaines technologies les plus médiatisées nous semblent source de valeur sous condition qu’elles ne servent pas à cacher la partie immergée de l’Iceberg.

Les medias portent une attention toute particulière à la Robot Process Automatization (RPA). Ces technologies ont avant tout pour vocation d’automatiser des tâches manuelles à faible valeur ajoutée sans avoir à transformer ni les processus ni les systèmes d’information qui les supportent. Le ROI de ces technologies nous semble « court-termiste » : ce type d’approche ne devrait pas en effet détourner les dirigeants des banques assurance du vrai besoin de transformation en rupture de leurs processus et de leurs SI, sous peine de ne pas se doter de l’agilité requise par leur transformation digitale.

Conviction n°4 : les technologies les plus sophistiquées de l’IA auront un impact très fort dans la banque et l’assurance mais cela prendra du temps

L’IA utilisée comme moyen d’améliorer la prise de décision d’investissement est une approche  particulièrement impertinente car elle implique de très grands volumes de données hétérogènes, tant structurées que non structurées, des analyses en quasi-temps réel et la reconnaissance des configurations ou patterns complexes.

Dans des conditions de marché où les taux d’intérêt ont atteint un point bas, les marchés actions sont sans direction ferme et où les frais restent sous pression l existe un besoin impérieux d’idées génératrices « d’alpha ».

L’IA offre également des outils très puissants pour aider les institutions financières à répondre aux contraintes réglementaires. Par exemple, un système reposant sur le ML qui a été alimenté avec l’historique des  transactions d’un trader donné va développer une fine connaissance du « profil » de négociation lié à ce trader et, par conséquent, va se révéler beaucoup plus précis pour signaler les éventuelles transactions suspectes déviant de ce profil. Le Suspicious Transaction Order Reporting (STOR) imposé par le Règlement Market Abuse constitue une application potentielle.

Conclusion : Les banques et assurances, avant de se lancer dans un projet d’IA « forte »,  doivent en priorité identifier les cas d’applications métiers pertinents. C’est un investissement lourd mais qui en conditionne le ROI.  

 

Publié initialement dans Point Banque