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L’IA en 2023 : un aboutissement ?

Article écrit par Simon Vérove.

 

Depuis une vingtaine d’années, les progrès exponentiels du deep learning1 ont contribué à sortir l’Intelligence Artificielle (IA) de son second « hiver2 ». 2023 peut d’ailleurs être considérée comme un cru exceptionnel pour cette technologie. Au cours de cette année, l’IA a étonné, impressionné, et monopolisé le débat public. 

 

2023 était-elle pour autant l’aboutissement du développement de cette technologie ? « L’année de l’IA » est-elle derrière nous ?

 

Une nouvelle dimension 

2023 nous a donné des certitudes concernant l’IA. Notamment, qu’elle est entrée dans une ère d’unenouvelle mesure technique  : 175 milliards de paramètres et 96 couches de « neurones » pour ChatGPT, à titre d’exemple. Ce dimensionnement nouveau l’a dotée de performances jusqu’alors inégalées, et a permis à l’IA générative de susciter un vif intérêt de la part du grand public. 

 

Les nouveaux leaders de l’IA 

2023 a également redistribué les cartes chez les pure players de l’IA. Open AI (partenaire de Microsoft) s’est rapidement positionné en leader, avec un LLM (Large Language Model) « bluffant » et un modèle GPT-4 multimodal3. DeepMind (Google), habitué au premier rôle depuis l’avènement des transformers, a tenté de rattraper son principal concurrent. Il a ainsi dévoilé, en fin d’année, sa solution Gemini, également multimodale. Meta AI, quant à elle, a publié « Llama 2 », LLM open source déjà massivement diffusé depuis juillet. 

 

L’économie est tournée vers l’IA

Parallèlement, une myriade de startups spécialisées a émergé, à l’instar de Mistral AI, qui a levé 490 millions d’euros après 6 mois d’existence.  

Si les fonds levés par ces sociétés ont démontré l’intérêt spéculatif pour cette technologie, ils soulignent aussi la projection de l’économie tout entière dans ses usages. Qu’il s’agisse de la génération de texte comme d’image ou de son, de l’analyse sémantique comme de la prédiction statistique, tous les secteurs d’activité se sentent concernés et s’y sont investis. Les entreprises y voient en effet une source de différenciation compétitive. 

 

D’un fléau à une aide indispensable 

Après de premières projections alarmistes sur les effets de l’IA à long terme sur l’emploi, un consensus s’est imposé au fil de l’année autour de sa dimension d’assistant. L’IA est désormais perçue comme une aide à la création et à l’automatisation des tâches répétitives sans valeur ajoutée. Elle permet aux entreprises de recentrer leurs collaborateurs sur leur cœur de métier. Son adoption est donc d’autant plus facilitée. 

 

Une première législation 

Cette déferlante de nouveautés n’a pas laissé de marbre le législateur, qui a pu être pris de court par une technologie déjà adoptée. Cette dernière est fondée sur la réutilisation, à des fins commerciales, de contenus partiellement propriétaires scrapés4 sur le web. Cet usage devait impérativement être régulé. Une référence pionnière, mais à ce jour unique, a été fixée par l’Union Européenne, à l’occasion de son adoption de l’Artificial Intelligence Act le 8 décembre. Ce texte, qui reste à clarifier sur certains points, prévoit notamment l’interdiction de certains usages de l’IA. La manipulation cognitive, le balayage non ciblé d’images faciales, l’analyse des émotions au travail rentrent dans son scope d’application. Les systèmes d’IA « à haut risque » sont quant à eux encadrés. Ce règlement prévoit d’autres obligations. Il vise aussi à la clarification du fonctionnement des solutions d’IA ; l’indication de l’origine des contenus générés, afin de lutter contre les deepfakes5; enfin, une plus grande transparence des modèles. 

 

Des limites notables 

2023 a donc, dans ces différentes dimensions, concrétisé un essor inédit pour l’IA, à présent dotée de nouvelles bases technologique et réglementaire. Chaque mois et chaque semaine ont été marqués par a minima une annonce majeure. 2023 présente donc un bilan flatteur, celui d’une année marquant la mise en mouvement d’un écosystème. En 2023, l’IA a aussi montré 2 limites concrètes : elle n’a pas été l’année de la concrétisation massive, dans l’économie, des gains promis. Par ailleurs, les progrès les plus récents de cette technologie ont montré que de nouveaux paliers sont attendus. 2024 pourrait donc, à ces deux titres, être la véritable « année de l’IA ». 

 

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1 : Le deep learning, ou apprentissage profond, est un type d’intelligence artificielle utilisant un réseau de neurones artificiels s’inspirant du cerveau humain pour apprendre.

2 : Périodes correspondant à un gel des financements dédiés à la recherche en IA après une période d’emballement scientifique : 1974-1980 et 1987-1993.

3 : Modèle d’apprentissage pouvant traiter et relier des informations provenant de plusieurs types de sources de données telles que le texte, les photos, la vidéo et l’audio.

4 : Extraits.

5 : Mot-valise formé à partir de deep learning (« apprentissage profond ») et de fake (« faux », « contrefait »), désignant une technique de synthèse qui permet de changer un visage ou de reproduire une voix dans un but malveillant.